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jeudi 6 décembre 2012 à 19h30

Exposition et soirée débat sur les enfants soldats

Une exposition consacrée à ces enfants soldats sera installée à la Maison d'Amnesty (159 avenue de la Libération 13001 Marseille), à partir du 20 novembre, journée mondiale des Droits de l'Enfant et une soirée - débat avec Philippe Brizemur de la commission nationale aura lieu, au même lieu, le 6 décembre à 19h30.

Vous êtes cordialement invités.

Un enfant soldat est un combattant âgé de moins de 18 ans selon l'article 38 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfants (CIDE) qui demande aux Etats de prendre toutes mesures pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de 15 ans ne participent pas directement aux hostilités et pour s'abstenir d'enrôler dans leurs forces armées tout enfant de moins de 15 ans .

Malgré cette protection juridique, on estime qu'il y a actuellement entre 250 000 et 300 000 enfants impliqués activement dans les conflits armés.

Ce phénomène existe depuis l'Antiquité, où tout individu mâle valide était soldat et la société entière se confondait avec l'armée. La fonction militaire se distingue des autres fonctions au moment où est institué un Etat, où une armée est organisée. L'histoire récente nous montre cependant que lors des dernières guerres mondiales, des jeunes hommes de moins de 18 ans, appartenant à la société civile, ont participé aux combats, soit comme volontaires, soit sous une pression familiale ; les jeunes juifs polonais du ghetto de Varsovie ou les "kamikazes" japonais sont deux exemples parmi bien d'autres.

Les conflits de la fin du 20ième siècle, où les populations civiles sont devenues les cibles privilégiées des belligérants et où les actes de terreur et de terrorisme sont des armes courantes, ont placé les enfants, victimes particulièrement vulnérables, en première ligne. Orphelins, animés par la vengeance, dominés par la peur, sans espoir d'avenir, ils sont aisément recrutés et instrumentalisés par des chefs de guerre sans scrupules. A cela s'ajoute la prolifération des armes "légères", faciles à utiliser, ne nécessitant pas une instruction militaire poussée. Les enfants ne coûtent pas cher. Ils ne reçoivent aucune solde et pour subsister vivent sur le terrain. Ils sont dociles, respectueux de l'autorité et peu conscients du danger pour eux et pour les autres. La cruauté et la violence des actes qu'on leur fait commettre ou qu'ils subissent sont telles qu'elles les dissuadent de s'enfuir. Ils sont aussi polyvalents : engagés sur la ligne de feu ou servant de gardes du corps, de porteurs d'armes, d'espions ou d'informateurs. Les filles peuvent être, elles aussi, engagées dans les combats ou utilisées comme cuisinières, domestiques ou esclaves sexuelles.

Les conséquences psychologiques sont effroyables. Soumis à des traumas profonds, ces enfants sont nombreux à souffrir du stress post-traumatique et leur cerveau a subi des transformations irréversibles. Plusieurs années plus tard, ils sont nombreux à s'isoler du monde, à tomber dans l'addiction aux drogues ou ils deviennent asociaux et violents, avec un taux de dépression et de suicide important. On estime que 40% des enfants engagés plus d'un mois présentent des troubles du syndrome post-traumatique.

Des structures ont été créées pour aider ces enfants à réintégrer la vie civile. Par exemple le Bureau pour le Volontariat au service de l'Enfance et de la Santé (BVES) fondé par Murhabazi Namegabe au Sud Kivu qui va enlever les enfants des mains des chefs de guerre pour les démobiliser. Par le théâtre, les jeux de rôle il tente de réinsérer ces enfants à une vie civile et leur dispense un enseignement général et technique pour rendre possible un retour dans l'environnement familial initial.

Une question se pose : faut-il juger ces anciens enfants soldats ? Ils ont commis des crimes, des atrocités et les populations victimes demandent réparation. Il ne peut y avoir de paix sans justice. Mais ces enfants sont, eux aussi, victimes et il faut rendre possible leur retour dans l'espace social. Des tentatives de justice "transitionnelle" sont mises en place mais leur fonctionnement est souvent entravé par le manque d'intégrité des acteurs de justice.

Il faut juger les chefs de guerre. Ce sont eux qui ont recruté des enfants. Le statut de la Cour Pénale Internationale (CPI) stipule que la conscription et l'utilisation d'enfants de moins de 15 ans dans les conflits armés est un crime de guerre et un crime contre l'humanité. Ils sont imprescriptibles. Le procès de Thomas Lubanga, inculpé pour la conscription, l'enrôlement et l'utilisation d'enfants soldats durant le conflit qui a ensanglanté le Nord Est de la RDC, est achevé et le coupable condamné à 14 ans d'emprisonnement. D'autres seigneurs de guerre sont inculpés des mêmes crimes et attendent un jugement. Mais les juridictions locales sont trop souvent inefficaces.

Cet enrôlement des enfants dans les conflits armés est une pratique qui n'est, hélas, pas récente et qui a été et est pratiquée par toutes les sociétés et sur tous les continents. Deux tournants historiques étaient censés proscrire cette pratique : l'institution des forces armées nationales et professionnelles et l'élaboration d'un corpus juridique national et international propre à énoncer les obligations des Etats et de la société vis-à-vis des droits et de l'intérêt supérieur de l'enfant. Force est de constater que ces deux éléments n'ont pas eu jusqu'alors les résultats escomptés.

Source : http://amnesty-marseille.fr/spip.php?article4...